La Ville de Condé-sur-Noireau poursuit depuis quinze ans l’exploration de l’oeuvre des artistes normands.
Pour la première fois, elle aborde l’École de Rouen avec une exposition consacrée au peintre Franck Innocent (1912-1983). Quelques 120 toiles, gouaches, aquarelles sont réunies pour l’occasion. Elles témoignent du talent et de l’évolution de l’artiste, de ses débuts auprès de Marcel Couchaux (1877-1939) dont il fut l’élève, aux années de couleur et de lumière.
Dominique Breton, à son tour élève et artiste peintre, devenue exécuteur testamentaire de Franck Innocent à son décès le décrit comme authentique, rigoureux, peu conventionnel, facétieux et passionné. Elle est commissaire de cette exposition.
Ce terrien teinté de spiritualité nous laissera l’image d’un personnage peu conventionnel, sincère, aux idées tranchées. Diderot s’adressant à Chardin disait : « Ce n’est pas du blanc, du rouge, du noir que tu broies sur ta palette, c’est la substance même des objets, c’est l’air et la lumière que tu prends à la pointe de ton pinceau et que tu attaches sur la toile »
Cette phrase correspond tout à fait à la peinture de Franck Innocent, tant son désir d’être en accord avec lui-même, en harmonie avec la nature était grand. C’était un homme vrai que l’idéal a toujours possédé.
Biographie :
Il naquit à Sahurs, village situé sur les bords de Seine à quinze kilomètres de Rouen le 20 novembre 1912. Bien que prématuré, il développa une solide constitution.
Il me racontait volontiers qu’enfant unique, adoré par sa mère, il était dissipé, parfois autoritaire et souvent farceur. Son père ayant eu des problèmes de santé, la famille quitta Sahurs pour Sotteville. Ils achetèrent une maison où Franck Innocent vécut par la suite. Ses parents, inquiets pour l’avenir de leur fils, lui firent faire des études à l’école supérieure de commerce, ce qui ne l’empêcha pas de suivre des cours aux Beaux Arts, puis avec Marcel Couchaux peintre à l’école de Rouen. Couchaux lui enseigna sa rigueur, sa passion pour la nature et son goût pur les scènes rustiques. Ils partaient ensemble dans la campagne, le plus souvent dans les fermes, ils jetaient à la volée du grain pour retenir les poules et dindons. La facture de Franck Innocent était à l’époque très influencée par son maître. Les toiles étaient très structurées, la matière était douce et les couleurs harmonieuses. Ses toiles s’ébauchaient au couteau, il travaillait ensuite la pâte avec de très longs pinceaux. Franck Innocent m’avoua avoir quelquefois mal supporté de revenir sans cesse sur le sujet, il préférait peindre avec plus de spontanéité.
C’est en 1936 qu’il fit sa première exposition à Rouen, galerie Legrip, suivie de beaucoup d’autres. En 1953, il rencontra à Honfleur, André Warnod critique du Figaro qui le soutiendra à Paris. Curieusement cette carrière débutera par une exposition de groupe dans la célèbre galerie Bernheim Jeune et, c’est à la fin de sa vie qu’il y entrera à nouveau et où depuis sa mort nous avons fait trois rétrospectives. Pendant la guerre de 40, il fut sinistré, et ne trouvant pas de matériel, fit de nombreuses œuvres sur papier : études, nus, aquarelles.
Après 1945 la couleur disparut presque totalement, les œuvres devinrent essentiellement graphiques, puissantes, nostalgiques traduisant une profonde souffrance intérieure. C’est au début des années 60 que la couleur reviendra avec un appétit de vivre qui ne le quittera plus jusqu’à son décès. Avec la couleur il trouvera la lumière. Cette période sera la plus productive, il ne lui sera plus nécessaire d’avoir une autre activité pour vivre, son talent sera reconnu en France, dans de nombreux pays européens, au Japon, aux USA.
Il mourut brutalement le 13 avril 1983 d’une crise cardiaque.
illustrations :
Fleurs des champs 1973 – huile sur toile – coll privée
Le panier de fruits renversé, 1980 – huile sur toile – coll privée
Honfleur, marée basse, 1978 – huile sur toile – coll privée
Catalogue de l’exposition en vente au musée : 15€