Redécouvrir un artiste disparu depuis plus de dix ans…
Redécouvrir son œuvre dans sa globalité pour ne pas avoir l’esprit figé sur les derniers travaux…
Redécouvrir l’œuvre singulière d’un créateur vrai aux talents multiples….
Tel est le propos de cette rétrospective d’automne qui met en lumière une cinquantaine d’œuvres de cet artiste qui va du figuratif à l’abstrait dans les sujets les plus divers, des bateaux aux chevaux en passant par de somptueux bouquets, des portraits, des paysages…
La formation chez Meautry fut précoce.
Très jeune son père, le peintre Lucien GRANGERARD, et sa mère, Lucienne ESTIVAL, l’initièrent à la gravure et au dessin. Ce sont bien ses parents qui lui enseignèrent les mots qui permettent d’entrer dans le langage surnaturel du monde naturel et lui donnèrent les clés qui ouvrent les tubes de couleurs même si plus tard,il fréquentera l’Ecole Nationale des Beaux Arts, avant et après guerre, dans de prestigieux ateliers.
Cette guerre l’emmena à Cannes où il travailla au théâtre comme décorateur. Il y fréquenta les beaux comédiens de ce temps (Claude Dauphin, Michel Simon, Madeleine Robinson et Françoise Rosay). Mais réfractaire au STO, il dut s’enfuir et se réfugia dans les fins fonds du Limousin et y travailla jusqu’à la Libération comme valet de ferme.
Quand il découvre en 1946 le domaine de Meautry, il quitte Paris et s’installe définitivement en Normandie. Il vit alors des commandes de dessins pour tissus imprimés pour l’industrie textile américaine et des dessins de bijoux pour de grandes maisons parisiennes..
A la fin des années cinquante, Meautry se fait maître-verrier et consacre une année entière à la réalisation des vitraux de la petite église d’Heurtevent. C’est à la même époque qu’il rencontre Camille Renault. Propriétaire d’un restaurant à Puteaux, « Big Boy » est l’ami de Villon, de Kupka, de Picabia et de tous les peintres de l’Ecole de Paris. Et son restaurant est un des endroits les plus recherchés. Meautry intègre cette magnifique écurie et ne la quitte plus d’autant que dans les années soixante Camille Renault abandonne le restaurant pour ouvrir, boulevard Haussmann à Paris, une vraie et belle galerie.
C’est probablement grâce à cette notoriété, mais aussi parce qu’il possède un regard à nul autre pareil que le jeune Jacques PASQUIER invite Meautry à le rejoindre au sein de sa jeune Galerie Cadomus à Caen. Meautry s’y lie avec tous les beaux plasticiens de cette belle époque. Ils ont pour nom Guégan, Brouet, Chesnel ou Grand.
L’exceptionnelle carrière de Meautry aurait suffi à me convaincre du talent de cet artiste. Mais un soir d’hiver, il a de cela plus de vingt ans, j’ai eu ce privilège d’être invité par Meautry. J’ai été conquis par la faconde presque méridionale de ce personnage haut en couleurs, par sa maison au charme singulier, et par une œuvre diverse témoignant des recherches incessantes de ce bel artiste.
Meautry a accompli durant plus de cinquante années, de sa ferme du Pays d’Auge, son œuvre sans s’inquiéter de ce que pouvaient penser ses confrères et le public. Il a fait ce qui lui plaisait quand il lui plaisait. Il a pratiqué à l’écart, en marge des milieux artistiques, une alchimie complexe et riche grâce à laquelle s’épanouit cette œuvre si raffinée que nous redécouvrons aujourd’hui. Il faut espérer qu’elle ravira le public qui apprendra de cet artiste, sincère, probe et fougueux, qu’il a interprété le monde par ce besoin de dire quelque chose qui était en lui.
Et finalement, l’essentiel n’est-il pas d’avoir quelque chose à dire, et de bien le dire ?
Eric Lefèvre – Commissaire de l’exposition.
illustration : portrait de Meautry par Yvonne Guégan
Vernissage de l’exposition le 9 octobre à 16h30 en présence d’Estelle Le Duc, fille de l’artiste et d’Eric Lefèvre, commissaire de l’exposition.
…L’art de Meautry n’est pas un miroir où se reflètent l’inquiétude ou l’angoisse. Il témoigne au contraire le plaisir de regarder un monde repeint à neuf dans des couleurs toniques….
Le rouge, le noir et le bleu sont ses couleurs de force
Le rouge, parce que, dit-il, c’est le couchant, l’aboutissement de la charge d’une journée.
Le bleu c’est le matin, le jour tout neuf rempli d’espérance
Le noir, c’est le socle à partir duquel tout se construit….René Piquemal – Le Pays d’Auge – 1988
illustrations :
L’orchestre rouge, huile sur toile, collection espace musée C.Léandre
Portrait de Meautry par Yvonne Guégan, huile sur isorel, collection privée
Les crayons, huile sur toile, collection privée